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Mémoire de Deloitte : L’avenir de la fiscalité

Mesures fiscales recommandées en vue d’améliorer la prospérité économique des Canadiens

Présentation de Deloitte au Comité permanent des finances de la Chambre des communes en vue de la préparation du budget de 2012

Résumé

Deloitte est l’une des plus grandes pratiques de fiscalité au Canada. À titre de conseiller fiscal international auprès de gouvernements et de clients du secteur privé dans plus de 150 pays, Deloitte possède un point de vue unique sur les politiques fiscales concurrentielles en vigueur à l’échelle mondiale et sur les principaux éléments de la prospérité économique des nations, soit la productivité, la capacité concurrentielle et l’innovation. Nous fondant sur cette perspective internationale et sur notre engagement à soutenir une économie forte et en croissance au Canada, par l’entremise de notre initiative L’avenir de la fiscalité, il nous fait plaisir de soumettre nos recommandations à la considération du Comité permanent des finances de la Chambre des communes (« le Comité ») dans le cadre des consultations menées en vue de la préparation du budget de 2012.

Nous proposons ici trois recommandations qui, à notre avis, feront beaucoup pour améliorer la prospérité économique des Canadiens tout en respectant l’objectif de l’équilibre budgétaire.

Bien que les Canadiens jouissent depuis longtemps d’un niveau de vie élevé comparativement à la plupart des autres pays, le Canada continue de prendre du retard par rapport à plusieurs pays sur le plan de la productivité. Or la productivité est l’un des principaux éléments de la prospérité. Les défis que le Canada doit relever en matière de productivité découlent d’un certain nombre de facteurs, notamment l’aversion pour le risque manifestée par les chefs d’entreprise, le sous-investissement chronique dans la machinerie et l’équipement, le peu de capitaux de risque investis dans les entreprises en phase de démarrage, une économie protégée, une concurrence accrue dans la recherche de talents de calibre international et un soutien insuffisant à l’innovation.

Comme nous l’avons affirmé dans un rapport récent intitulé L’avenir de la productivité – Un plan d’action en huit étapes pour le Canada, nous croyons que le Canada est en très bonne position pour relever ces défis et, ainsi, améliorer considérablement sa productivité. Pour stimuler la croissance économique et supprimer l’écart de productivité entre le Canada et d’autres pays, nous devons nous employer à attirer et à garder des talents de calibre international, à soutenir la mise en commun de capitaux destinés aux entreprises en phase de démarrage, à favoriser l’innovation et à investir dans la recherche et le développement dans les secteurs clés.

Par conséquent, nous considérons que les trois initiatives suivantes devraient constituer des priorités dans le prochain budget car elles permettraient d’améliorer la capacité concurrentielle du Canada à l’échelle internationale et ainsi de lui assurer une croissance économique durable.

1. Améliorer les mesures incitatives en matière de recherche et développement (RD), un élément essentiel à la création d’emplois et à l’innovation au Canada

Les dispositions fiscales relatives aux activités de recherche scientifique et de développement expérimental (RSDE) devraient être améliorées en permettant à toutes les entreprises d’obtenir le remboursement du crédit d’impôt à l’investissement. Cette accessibilité élargie compensera adéquatement les investisseurs prêts à prendre les risques inhérents à la réalisation de travaux de RD au Canada, et aidera à attirer des entreprises étrangères à la recherche d’occasions d’investissement dans le marché international.

2. Instaurer un crédit d’impôt pour investissement providentiel, un élément essentiel du financement de notre écosystème d’innovation

Un crédit d’impôt pour investissement providentiel devrait être instauré afin d’augmenter le capital de risque investi dans les entreprises en phase de démarrage. Cette mesure contribuera à créer un climat favorable à l’innovation et à l’entrepreneuriat qui mènera à la création d’emplois et à la croissance économique.

3. Réduire les taux d’imposition du revenu des particuliers canadiens, un élément essentiel pour attirer des talents de calibre international

Les taux d’imposition du revenu des particuliers devraient être réduits afin que l’on puisse garder au Canada les personnes productives et y attirer les immigrants qui ont les compétences requises pour appuyer la prospérité économique à long terme du pays. 

Nous nous réjouissons de cette occasion de présenter nos recommandations au Comité et de lui offrir notre expertise et notre soutien s’il le juge nécessaire.

Les recommandations de Deloitte

Le budget de 2012 donnera au gouvernement du Canada la possibilité de continuer à réaliser son engagement à assurer la prospérité économique des Canadiens. Le Canada a mieux résisté au difficile cycle économique mondial que la plupart des autres pays, et ce grâce au solide leadership économique du gouvernement. Il est maintenant temps de se tourner vers l’avenir et de planifier une croissance et une prospérité encore plus grandes malgré l’incertitude qui entoure l’économie mondiale, et dont les crises de la dette souveraine, en Europe et aux États-Unis, témoignent éloquemment.

Le Comité a sollicité des avis sur quatre questions principales : comment redresser l’économie de façon durable au Canada; comment créer des emplois de qualité et durables; comment assurer des taux d’imposition relativement bas; et comment atteindre l’équilibre budgétaire. Comme le Comité, nous considérons qu’il s’agit là de sujets de préoccupation sérieux qui ouvrent la voie à des possibilités très importantes.

Nos principales recommandations en matière de politique fiscale, pour le budget de 2012, reflètent les objectifs du Comité en ce qui a trait au redressement économique, à la création d’emplois et à la recherche de l’équilibre budgétaire. Les voici :

  1. Améliorer les mesures incitatives en matière de RD.
  2. Instaurer un crédit d’impôt pour investissement providentiel.
  3. Réduire les taux d’imposition du revenu des particuliers.

1. Améliorer les mesures incitatives en matière de recherche et développement (RD), un élément essentiel à la création d’emplois et à l’innovation au Canada

L’innovation est reconnue comme l’un des principaux facteurs garants d’une croissance durable et soutenue de la productivité. Bien que différents processus puissent mener à l’innovation, la RD est l’un des plus importants. 

Le Canada s’est jusqu’à maintenant affirmé comme un chef de file dans l’élaboration de politiques fiscales favorisant l’innovation, principalement au moyen de son régime de mesures incitatives à la RSDE. Les principes qui étayent ces mesures sont bien établis et très bien adaptés. On peut donc considérer ce programme comme une dépense gouvernementale bien ciblée et qui atteint ses objectifs. En fait, ce programme est reconnu comme un modèle à suivre, et de nombreux pays s’en sont d’ailleurs inspirés pour l’établissement de leur propre régime.

Le ministre des Finances a reconnu à maintes reprises l’importance de l’innovation pour l’économie canadienne en tant que facteur de productivité et, par conséquent, de création d’emplois et de succès des entreprises. L’Agence du revenu du Canada, un groupe d’experts indépendant dirigé par Thomas Jenkins (président exécutif de la société OpenText) et l’ombudsman des contribuables sont actuellement à réviser, chacun de leur côté, divers éléments du programme de RSDE. À notre avis, le cadre conceptuel actuel a bien servi le Canada et les contribuables canadiens, et nous en recommandons le maintien.

Nous nous félicitons toutefois que le gouvernement ait pris l’initiative de chercher des moyens pour stimuler l’innovation encore davantage. La concurrence en vue d’attirer les investissements étrangers en RD se fait de plus en plus vive. Il est donc essentiel que le Canada améliore ses programmes de RSDE s’il veut rester concurrentiel. En 1996, seuls 12 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques offraient des incitatifs fiscaux à la RD; aujourd’hui, 35 pays le font et d’autres, comme l’Allemagne et la Suède, envisagent la création de tels régimes. En outre, certains autres pays, notamment la France et le Brésil, ont radicalement amélioré leurs programmes[1]

L’une des améliorations qui doivent être apportées au régime de RSDE consiste à étendre le remboursement du crédit d’impôt à l’investissement à toutes les entreprises, comme cela se fait dans de nombreux autres pays et dans plusieurs provinces. L’accès au remboursement, pour de nombreuses multinationales établies aux États-Unis, fait toute la différence entre un incitatif qui est une économie d’impôt permanente et celui qui est un simple report d’impôt, et la valeur qui est accordée à une telle différence peut avoir un poids énorme.

Actuellement, seules les sociétés privées sous contrôle canadien (dont le revenu ne dépasse pas un seuil déterminé) peuvent se prévaloir d’un crédit remboursable. De plus, les grandes entreprises profitent de ce crédit uniquement pendant les années où elles ont des impôts exigibles. Cela rend la planification particulièrement ardue puisque plusieurs de ces grandes entreprises exercent leurs activités dans des secteurs cycliques et qu’il est difficile de prévoir les années où leur dette fiscale sera suffisante pour absorber les crédits d’impôt à la RSDE, En étendant le crédit remboursable à toutes les sociétés, le gouvernement compenserait adéquatement les risques inhérents à l’exercice de la RSDE au Canada. En outre, il enverrait un message clair aux sociétés étrangères à la recherche de nouvelles possibilités d’investissement.

Le fait d’étendre à toutes les sociétés le remboursement des crédits d’impôt à l’investissement fera non seulement augmenter l’investissement dans la RD mais entraînera en outre une hausse des dépenses globales. On estime que ce changement générera des dépenses supplémentaires en RD d’une valeur de 520 millions de dollars de la part des entreprises qui demandent actuellement des incitatifs à la RSDE mais qui ne tiennent pas compte de la RSDE lorsqu’elles prennent des décisions en matière d’investissement dans la RD. À lui seul, ce changement se traduira par des dépenses totales de plus de 1,1 milliard de dollars dans l’économie canadienne. Ces dépenses auront une incidence positive sur le produit intérieur brut (PIB), qu’on évalue à près de 650 millions de dollars, et augmenteront l’emploi total de près de 9400 équivalents temps plein (ETP). Il est difficile de déterminer la valeur de l’augmentation des dépenses en RD faites par des entreprises qui ne se prévalent pas actuellement des crédits à la RSDE mais qui le feraient si ces crédits étaient remboursables. En général, cependant, pour chaque tranche de un milliard de dollars consacrée à des dépenses de RD au Canada, le PIB augmente de quelque 1,2 milliard de dollars et le marché de l’emploi s’enrichit de près de 18 000 nouveaux ETP[2]

Les multinationales misent sur la stabilité au moment de prendre des décisions d’investissement à long terme. Plus notre programme de RSDE sera administré de façon prévisible et uniforme, plus il présentera de valeur pour les grandes entreprises à la recherche d’un pays où investir. Nous encourageons le gouvernement à collaborer avec des groupes sectoriels et d’autres intéressés clés afin de déterminer quels sont les éléments qui suscitent des inquiétudes ou de l’incertitude et d’offrir aux entreprises qui envisagent d’investir au Canada un environnement plus stable pour la planification

2. Instaurer un crédit d’impôt pour investissement providentiel, un élément essentiel du financement de notre écosystème d’innovation

Les industries du savoir contribueront considérablement à la productivité et à la croissance économique du Canada. Ce secteur connaîtra une croissance exponentielle à court et à long terme et le Canada a la possibilité d’assumer un rôle de leader international dans des secteurs tels que les sciences de la vie, les énergies nouvelles, les technologies propres, les médias numériques et d’autres secteurs des technologies et de l’innovation.

Le régime fiscal peut contribuer grandement au leadership du Canada dans ces domaines. En plus des incitatifs fiscaux qui visent directement certaines activités (y compris les incitatifs à la RSDE dont il a été question plus haut et les incitatifs à la formation de grappes d’innovation), le soutien au financement est essentiel. Il faudrait accorder une attention particulière à des crédits ciblés, en particulier pour les investisseurs de capital de risque, soit un crédit d’impôt pour investissement providentiel destiné à soutenir l’innovation sectorielle pour les entreprises en phase de démarrage, entreprises qui présentent les risques les plus élevés, et un crédit pour les investisseurs en capital de risque qui s’intéressent aux entreprises parvenues à des phases ultérieures de leur expansion. Nous recommandons d’accorder la priorité à un crédit pour investissement providentiel puisque ce genre d’investissement constitue le point de départ logique pour toute initiative de renouvellement de l’innovation au Canada et qu’il s’agit du genre d’incitatif qui pourrait avoir le plus d’impact sur la croissance de notre économie.

Depuis 2003, la Colombie-Britannique offre un crédit d’impôt pour investissement providentiel qui donne de bons résultats, dans le cadre d’un programme intitulé Equity Capital Program. Ce programme a été mis sur pied afin de stimuler la création de nouvelles entreprises et l’expansion des entreprises existantes. Selon l’évaluation du programme réalisée en 2010, le crédit d’impôt pour investissement providentiel générerait 2,91 $, sous forme de taxes à la consommation et d’impôt sur le revenu, au provincial et au fédéral, pour chaque dollar de crédit demandé[3] . L’expérience de la Colombie-Britannique donne à penser que l’instauration d’un crédit d’impôt fédéral pour investissement providentiel n’entraînerait aucun coût, à long terme, pour le gouvernement fédéral puisque ce crédit produirait des recettes fiscales supérieures à son coût réel pour le gouvernement.

3. Réduire les taux d’imposition du revenu des particuliers canadiens, un élément essentiel pour attirer des talents de calibre international

Pour améliorer la croissance économique du Canada, il est essentiel de garder au pays les personnes productives et d’attirer de nouveaux immigrants capables de contribuer à la prospérité du Canada. Nous invitons donc le gouvernement à mettre l’accent sur des mesures qui rendront le régime d’imposition du revenu des particuliers plus concurrentiel.

Outre le facteur économique, de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit de garder et d’attirer une main-d’œuvre hautement productive et mobile à l’échelle internationale. Le Canada est un endroit extraordinaire où vivre et, en raison de sa stabilité, où élever une famille. Ces facteurs constituent déjà une puissante source d’attraction. Nous pensons toutefois que davantage de personnes resteraient au Canada, ou viendraient s’y installer, si le gouvernement abaissait les taux d’imposition du revenu des particuliers, en commençant par relever le seuil à partir duquel le taux d’imposition maximal s’applique, mais également en réduisant ce taux maximal.L’écart entre les taux d’imposition du revenu des particuliers au Canada et aux États-Unis est particulièrement préoccupant.

De ce fait, les besoins du Canada en matière de capital humain devraient faire l’objet d’un programme pluriannuel rationnel et concret visant à accroître le nombre d’immigrants afin de combler les pénuries de main-d’œuvre au Canada et de soutenir une économie axée sur l’innovation. Si le Canada comptait davantage de personnes qualifiées et touchant un salaire élevé, le montant global de l’impôt des particuliers perçu augmenterait considérablement et ce même si le taux d’imposition des particuliers était réduit, comme nous le recommandons.  

Les améliorations à apporter au régime d’imposition du revenu des particuliers peuvent être mises en œuvre graduellement, au cours des quatre à six prochaines années, comme on l’a fait dans le cas des réductions de l’impôt des sociétés. Les avantages prévus de la réduction de l’impôt des sociétés ont influé sur le comportement des sociétés avant que ces réductions ne soient complètement appliquées. Nous estimons qu’il en sera de même pour ce qui est de la modification graduelle du taux d’imposition du revenu des particuliers et qu’un tel projet pousserait des personnes productives, innovatrices et mobiles à demeurer au Canada ou à y immigrer avant la fin du processus de réduction des taux d’imposition.

Nous croyons qu’une réduction des taux d’imposition du revenu des particuliers, conjuguée à d’autres mesures destinées à accroître la productivité et à améliorer la prospérité globale, ne devraient pas entraîner une diminution des recettes fiscales provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers. Toutefois, si le gouvernement estime qu’il doit contrebalancer ces réductions en augmentant certaines autres recettes fiscales, nous considérons qu’il dispose d’une certaine marge de manœuvre en ce qui a trait aux taxes à la consommation, qui sont faibles selon les normes internationales, et qui pourraient donc être augmentées.

L’avenir du Canada

Nous sommes reconnaissants au Comité de nous donner l’occasion de lui présenter notre point de vue quant aux priorités à aborder dans le budget de 2012. Nous croyons que les trois priorités présentées dans le présent document – améliorer les incitatifs fiscaux à la RD, instaurer un crédit d’impôt pour l’investissement providentiel et réduire les taux d’imposition du revenu des particuliers – permettront de créer une croissance économique durable à un coût limité pour le gouvernement fédéral.

Nous espérons avoir d’autres occasions de participer à des discussions sur l’avenir du Canada.

Deloitte s’engage à contribuer à façonner une politique fiscale de nature à favoriser la croissance à long terme de l’économie canadienne. Par notre initiative L’avenir de la Fiscalité, nous souhaitons promouvoir la vision que nous avons en matière de politique fiscale et la communiquer à nos clients, aux gouvernements, au milieu universitaire ainsi qu‘à l’ensemble de la société canadienne.

Andrew W. Dunn, FCA
Associé directeur de la fiscalité
Deloitte & Touche s.r.l.
416-601-6227

Albert Baker, FCA
Leader en politique fiscal
Deloitte & Touche s.r.l
416-601-6150

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[1] Natan Aronshtam et Joanne Hausch, Innovation and the SR&ED Program, Fondation canadienne de fiscalité, 62e conférence, 2010 (rapport à venir).

[2] Ibid.

[3] Thomas Hellerman et Paul Schure, An Evaluation of the Venture Capital Program in British Columbia, ministère de la Petite entreprise, de la Technologie et du Développement économique de la Colombie-Britannique. 2010.